L’Union européenne, une communauté qui est confrontée à des enjeux géopolitiques instables.
- Thomas Le Joly
- 20 sept.
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Dernière mise à jour : 1 oct.

Le mercredi 10 septembre 2025, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a prononcé son discours annuel sur l'état de l'Union devant le Parlement européen de Strasbourg. La cheffe de l'exécutif européen a centré sa déclaration sur la défense de l'Europe, la solidarité avec l'Ukraine, la gestion des crises mondiales et la nécessité de réformer le fonctionnement de l'UE. Ce discours nous rappelle l'instabilité des relations géopolitiques du Vieux Continent.
L'accord commercial UE–USA signé le 27 juillet 2025 entre le président américain Donald Trump et Ursula von der Leyen a été le sujet de vifs débats, notamment en raison de son manque de réciprocité dans les engagements respectifs pris par les deux puissances.
Ce texte instaure principalement des droits de douane américains de 15% sur la majorité des exportations européennes, contre 0% sur la plupart des biens américains exportés vers l'Europe. Également, l'Union européenne s'est engagée à acheter massivement de l'énergie américaine, soit 750 milliards de dollars sur trois ans, à investir 600 milliards de dollars supplémentaires aux États-Unis, et à renforcer ses achats d'armements américains.
Les principales critiques envers cet accord touchent au manque d'égalité dans les engagements pris, qui donnent aux opposants un sentiment de soumission de l'Europe à son grand allié transatlantique. Une crainte d'impacts négatifs sur les exportations européennes, surtout dans l'automobile et les produits industriels, et le sentiment d'engagements d'investissements flous et contraignants sont aussi évoqués.
Cette négociation s'inscrit toutefois dans un contexte international tendu. L'accord a été signé à quatre jours d'une échéance fixée par Donald Trump, à l’issue de laquelle les produits européens auraient été frappés d'une taxe douanière de 30%, si aucun compromis n'était conclu avant le 1er août. Cette pression résulte d'une politique protectionniste appliquée par le président américain, et les réfractaires du texte estiment que l'accord serait plus subi que négocié.
Face à ces craintes, les partisans de l'accord commercial estiment que ses clauses permettent d'éviter une guerre commerciale totale avec les Américains, qui aurait pu menacer des millions d'emplois liés aux exportations européennes vers les États-Unis, et qui aurait pu fragiliser l'alliance transatlantique dans un contexte géopolitique tendu, notamment face à la Chine ou la Russie. Le taux fixé de droit de douane donne aussi une prévisibilité pour les entreprises, qui peuvent ainsi mieux planifier leurs futurs investissements et leurs accès au marché américain, qui reste encore très dynamique.
Lors de son discours sur l'État de l'Union, Ursula von der Leyen a lancé à ce propos : « pensez aux répercussions d'une guerre commerciale totale avec les États-Unis. Imaginez le chaos. Cet accord nous apporte une stabilité critique en cette période d'insécurité grandissante ».
Malgré l'accord signé à Turnberry, en Écosse, entre les deux dirigeants, l'application des clauses reste encore en suspens, puisque le texte doit encore être débattu et ratifié par le Conseil de l'UE et le Parlement européen. Selon la nature de l'accord, la ratification par les parlements nationaux pourrait aussi être requise.
Des relations géopolitiques qui ont évolué
Lors de son discours devant les eurodéputés, la présidente de la Commission a rappelé que l'Union était confrontée à de nombreux dossiers brûlants : solidarité avec l'Ukraine, nouvelle salve de sanctions contre la Russie, proposition de suspension partielle de l'accord commercial UE–Israël en réponse à la catastrophe humanitaire à Gaza, relations UE–États-Unis, réforme du mode de décision en remettant en question le vote à l'unanimité ou encore soutien à l'élargissement des États membres.
Les relations géopolitiques européennes ont connu plusieurs mouvements après la Seconde Guerre mondiale. Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman, un centre de recherche sur les questions européennes, nous éclaire sur l'évolution de ces relations : « En 1989, il y a eu la chute du mur de Berlin et celle du rideau de fer. C'est à partir de là que l'on a accueilli dans l'Union des pays qui étaient dans le bloc de l'Est sous la coupe de Moscou, comme les Pays baltes, la Tchécoslovaquie (actuelles Tchéquie et Slovaquie), la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Bulgarie. On a donc eu un grand changement du monde à partir de 1989 ».
Elle précise son analyse en évoquant la relation entre l'Europe et la Russie : « Aujourd'hui, l'Union européenne, qui n'est toujours pas un État, doit faire face à des voisins à l'Est qui n'ont jamais été sympathiques. L'Union soviétique en son temps, la Russie de Vladimir Poutine aujourd'hui. Il y a eu une fenêtre de tir après la chute de l'Union soviétique, où il y a eu des rapprochements avec la Russie, mais le président russe y a mis un terme assez rapidement. »
Mme Joannin ajoute : « La Russie n'a jamais été un ami de l'UE. On a cherché à un moment donné, il y a eu des relations UE/Russie, mais cela a coupé court parce que Vladimir Poutine y a mis de la très mauvaise volonté, comme aujourd'hui, il met de la très mauvaise volonté à faire un accord de paix avec l'Ukraine. »
La Chine représente aussi un acteur majeur des relations internationales de l'UE. Pascale Joannin nous le confirme : « Aujourd'hui, il y a une Chine qui est devenue un partenaire et un concurrent aussi. La Chine, tout comme la Russie, sont des États qui n'ont jamais été tout à fait dans le même camp que l'Europe, notamment puisqu'ils ne partagent pas les mêmes valeurs, comme au niveau démocratique. »
Le rapport avec les États-Unis a aussi basculé : « Récemment, c'étaient des alliés, c'étaient des gens qui partageaient un certain nombre de valeurs dites occidentales, c'étaient des gens avec lesquels il y avait des liens. Depuis que Donald Trump est revenu au pouvoir en janvier 2025, on voit que les États-Unis ont changé et que Donald Trump n'est plus l'allié sur lequel on pouvait compter, pas encore peut-être un ennemi, mais il n'est plus l'allié sur lequel on peut parfaitement compter, et ça, c'est un grand changement. On l'a vu sur la question commerciale, on le voit sur l'Ukraine, on le voit sur un certain nombre de choses numériques. Et donc, dans ce monde nouveau, on a en effet une interrogation sur l'Europe, qui n'est pas un État, face à des États comme les États-Unis, la Chine ou la Russie. Et peut-être qu'en effet quelque chose doit être aménagé ou renforcé, puisque la politique étrangère est quelque chose qui n'existe pas au niveau européen. C'est quelque chose que les États membres ont gardé pour eux. Alors il y a tout de même une haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères, mais ses pouvoirs sont assez limités. »
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Fondation Robert Schuman : https://www.robert-schuman.eu/